Cerveau et langage

Un programme capable de lire dans les pensées

Des chercheurs américains ont réussi à décrypter ce qui se produit au niveau du cerveau lorsqu’il entend et identifie un mot. Ils sont maintenant capables de deviner ce mot sans même l’entendre, grâce à la seule mesure de l’activité du cerveau !
La découverte américaine a été rendue possible par la généreuse participation de patients souffrant d’une tumeur au cerveau ou d’une épilepsie résistante aux médicaments. Tous avaient des électrodes placées à la surface de leurs cerveaux (sous les os de la boîte crânienne) pour délimiter la frontière entre la partie que devrait retirer leur chirurgien pour les guérir et la zone à préserver pour qu’ils puissent toujours parler. Ces électrodes ont permis aux chercheurs de décrypter l’activité de cette zone lorsque les patients écoutaient des mots.
Le modèle a pu reproduire le son entendu par le patient
Ces équipes des universités de Berkeley, San Francisco, et de Baltimore ont publié leurs résultats ce 1er février 2012 dans le journal PLoS Biology. Ils ont donc fait écouter aux patients une série de mots pendant cinq à dix minutes en enregistrant précisément le signal recueilli par les électrodes posées sur leur cortex, au niveau de l’aire dite de Wernicke. Cette aire, connue pour son implication dans le langage est située, dans la partie supérieure et postérieure du lobe temporal… soit, très schématiquement, au-dessus de l’oreille.
Puis un logiciel de transcription a été conçu pour faire le lien entre les données enregistrées et les mots. Enfin, testé sur de nouveaux mots, le « modèle a pu reproduire le son que le patient a entendu de telle sorte qu’on peut vraiment reconnaître le mot, même si ce n’est pas encore parfait », explique Robert Knight, un des seniors de l’équipe, directeur de l’Institut de neurosciences Helen Wills à l’université de Californie (Berkeley) au journal The Guardian. Il est possible d’apprécier personnellement la qualité de ce dernier test réalisé avec les mots « Waldo », « structure », « doubt » et « property » sur le site du journal.

Un espoir pour ceux qui ne peuvent plus parler ?
Scientifiquement, il s’agit d’une belle avancée dans la mise au jour des « mécanismes d’encodage du langage », se réjouissent-ils. Jan Schnupp, professeur en neurosciences à l’université d’Oxford interrogé par nos confrères du Guardian a été impressionné par cette étude. « Nous pensons depuis longtemps que le cerveau fonctionne en transformant ce qui arrive de l’extérieur, comme des mots parlés, en activités électriques particulières. Mais prouver que c’est vrai en montrant qu’il est possible de retraduire ces activités électriques en sons, ou tout au moins une bonne approximation, est néanmoins un grand pas en avant. Cela ouvre la voie à de rapides progrès vers des applications biomédicales. »
L’espoir est effectivement d’aller plus loin et d’être un jour en mesure de deviner le mot que voudrait dire quelqu’un qui a perdu l’usage de la parole à cause d’une maladie neurodégénérative comme la sclérose latérale amyotrophique par exemple. Il faudrait réussir à identifier exactement les zones impliquées dans la production du langage et y installer des capteurs capables d’y détecter toute variation d’activité… pour la traduire en mots.
Cela ouvrirait-il la voie à de terribles abus par des forces de l’ordre dans la recherche d’aveux par exemple ? Le Pr. Knight se veut rassurant. « Pour reproduire nos résultats, il faudrait ouvrir la boîte crânienne d’une personne et ensuite obtenir sa coopération », explique-t-il en rappelant les éléments clefs de leur recherche. En espérant donc que seuls des scientifiques bienveillants utiliseront donc ces recherches, ils risquent néanmoins d’avoir encore beaucoup de travail pour réussir à identifier un mot, une phrase au milieu de toutes les pensées qui traversent en permanence notre esprit !
Géraldine Zamansky

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