Hypnose et hôpital


L’hypnose revient sur le devant de la scène médicale

Il faut le dire avec une certaine brusquerie: la pratique de l’hypnose médicale bouleverse radicalement notre façon de soigner. Pour trouver un soulagement aux souffrances qu’endurent nos patients, il existe de bonnes stratégies thérapeutiques qui ne sont pas enseignées dans les facultés de psychologie ou de médecine ! Si l’hypnose a quelque efficacité thérapeutique, et c’est souvent le cas, c’est parce qu’elle repose sur des concepts étonnants qui changent les croyances et la manière habituelle de soigner. L’hypnothérapie nous oblige à reconsidérer le soin, la physiopathologie et la clinique psychiatrique.
Quand on observe un patient qui souffre de douleurs ou de différentes souffrances, on remarque une répétition, une rigidité, voire une absence de mouvements dans certains de ses comportements. Soit le patient ressasse son histoire inlassablement, on le décrit alors comme obsessionnel, soit il est agité, mais immobilisé dans un délire ou des hallucinations dont il ne parvient pas à sortir, on le décrit alors comme dissocié de la réalité.
Nous retrouvons cette immobilité dans de nombreuses situations cliniques qui voient une personne arrêtée sur un événement traumatisant, sur un discours, sur une peur, sur une contracture musculaire, sur un rituel ou un comportement répétitif.
Cette absence de mouvement n’est pas répertoriée dans les diagnostics psychiatriques alors qu’elle est constamment retrouvée cliniquement, sans doute parce qu’elle ne semble pas spécifique d’une pathologie en particulier mais de toutes les pathologies en général.
L’absence de mouvement provient d’une rigidité ou d’un manque d’espace pour se mouvoir. Cette rigidité peut être liée à la dureté de l’élément. Le traumatisme, l’accident, l’événement est par trop cruel, il est dur à vivre. Cette difficulté peut aussi être attribuée à la personne qui vit cet événement et voit se réduire ses possibilités d’action. Elle ne se voit plus d’avenir sans souffrance. L’étroitesse et le manque d’espace sont des caractéristiques constamment retrouvées, mais qui ne sont pas répertoriées dans les descriptions cliniques ou qui ne retiennent pas habituellement l’attention du clinicien. La guérison se traduira par la construction d’un espace élargi où le patient pourra se mouvoir à nouveau. Les exercices pour guérir porteront alors autant sur la modification de la pensée pour penser plus large, que sur la position spatiale du corps qui cherche un espace libre de toute contrainte.
Une thérapie, qui se voudrait originale, pourrait considérer que ce qui rend la personne malade, proviendrait du contexte dans lequel elle est plongée. Le soin porterait alors sur la perception de ce contexte. Dans cette configuration, le diagnostic demeure, mais il n’est plus centré sur le malade. Il porte sur un ensemble, composé du malade et de son contexte de vie.
Le soin porterait alors sur l’adaptation à la réalité d’un contexte difficile.
Faire une séance d’hypnose, c’est faire l’expérience d’un présent sans émotion. Les magazines et les ouvrages de psychologie sont emplis du souci de soi, de développement personnel et de la libération de nos émotions. L’hypnose propose tout l’inverse: la disparition du regard sur soi, l’absence d’un jugement sur des faits bien réels et un effacement des émotions liées aux traumatismes.
Une des stratégies consiste à se faire un allié des symptômes. Le patient les met en avant. Le thérapeute s’en saisit non pas pour les supprimer, mais pour s’en servir comme d’un guide, une porte vers le changement. Le symptôme est la faille. Il est le signal des limites de résistance de la personne. La violence du symptôme est détournée vers la solution. Le symptôme devient une clé. Il ouvre une porte, un accès au patient. Cela donne le tournis de vivre les expériences proposées par les praticiens. Le langage perd peu à peu de son sens, le soin suit une chorégraphie précise ; à force de voir, on ne voit plus, la volonté se défait, la pensée revient dans le corps.
L’hypnose, destinée au patient, atteint et entraine également le thérapeute. Dans cet état, tout savoir antérieur est mis de côté pour les deux protagonistes. L’espace ainsi libéré permet une inventivité qui permet (parfois) de trouver la solution au motif de consultation.
Cette thérapie qui recourt à l’imagination, qui redonne du mouvement et de l’espace à un corps souffrant, qui se refuse à porter un diagnostic centré sur le malade et qui propose une expérience sensorielle dans le présent, s’appelle l’hypnose.
Jean-Marc Benhaiem.
Médecin hypnothérapeute à Ambroise Paré et à l’Hôtel Dieu (Paris)

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